dimanche 8 janvier 2012

Hommage...

Mano Solo nous a quitté le 10 janvier 2010. Il nous a laissé beaucoup de chansons, des peintures, des poèmes, et un roman. Je l'ai lu pour la première fois à sa sortie en 1996 et je l'ai relu ce week-end pour pouvoir vous le présenter aujourd'hui...

"Dehors il pleuvait.
Joseph était là sur le plancher avec la même bave qu'hier. On devait être bien avancé dans l'après midi et avec ce temps de merde il faisait déjà presque nuit. Joseph ouvrit les yeux. C'était lui, Joseph dans ce monde pourri de merde, dans cette vie à la con. Joseph sous la pluie. Joseph la plaie. Joseph le fugitif. Le mort qui parle. Le mort qui ouvre un œil. Le mort, qui se lève. Le mal de tête du mort. Enfin tout comme d'ab, quoi.
"

Défoncé jour et nuit, Joseph remonte la rivière sur sa péniche mais le déluge le fait dériver et il finit par s'accrocher à des arbres. L'attente d'une accalmie sera pour lui une longue introspection.
On y retrouve tous les thèmes que Mano Solo aborde dans ses chansons : l'amour, la haine, le désir, la mort...son combat face à la maladie, la lutte entre désespoir et rage de vivre.
" Lui qui croyait ne plus aimer la vie, son instinct l'aimait pour lui.
"Je resterai accroché par les ongles à cette vie de merde. Par pur esprit de contradiction."
"Je te ferai bouffer tes rêves, jaloux de la chance que tu as d'en avoir encore."
"Il en voulait à la vie de cette maladie sur laquelle il n'avait aucun pouvoir et qui lui gâchait le meilleur de son existence."
"J'ai mis des bougies. Le jour de ma mort, je veux qu'on mette autant de bougies autour de moi que j'avais d'années, comme ça ma mère croira que c'est mon anniversaire."

Les femmes ont une place importante dans les textes de Mano. Sur ce bateau, deux images l'accompagnent : une grande histoire d'amour et un énorme sentiment de culpabilité.
"Je ne sais plus si j'ai le droit d'insister, de dire à cette fille viens, viens ma peau ne brûlera pas tes mains, de ma bouche ne coule pas le poison."

Tout au long de cette lecture, on a l'impression d'être dans sa tête. Il nous livre ses sentiments bruts, directement sortis de son cœur, de son âme. Les mots sont forts, crus. Mano nous bouscule, nous emporte avec lui dans sa dérive. 
"Tu es si vivant qu'on ne peut t'imaginer mort."

La longue dérive de Joseph sur cette rivière, dans son corps et dans son âme, se termine sur sa rage de vivre et sur l'espoir. Un long chemin pour se pardonner et être de nouveau en paix avec lui-même...jusqu'à la prochaine dérive...
"Il s'était jugé et condamné lui-même, il était temps de se libérer sur parole, de se réinsérer dans le monde des vivants."

Ce roman est tellement imprégné de lui que sa voix nous accompagne, et comme il le disait si bien dans sa chanson Je suis venu vous voir... "tant que quelqu'un écoutera ma voix, je serai vivant dans votre monde à la con".

En ce jour anniversaire, je retiendrai tout particulièrement cette phrase :
"Ce jour-là mon âme entière remplira le monde."

J'ai découvert Mano Solo sur le plateau de Nulle Part Ailleurs en 1995 lors de la sortie de son deuxième album "Les années sombres". Il m'a toujours accompagnée depuis... J'ai eu la chance de le voir deux fois en concert dont la dernière dans la petite salle de spectacle de ma ville natale. C'était un pur moment avec un Mano fatigué par la tournée mais qui donnait sans compter. J'en garde un souvenir poignant et un beau dessin. Merci Mano pour tes chansons et ta présence.


En ce début d'année, les éditions Points Seuil publie un recueil comprenant ce roman, mais également les poèmes de son autre livre "Je suis là", ainsi qu'une cinquantaine de pages de dessins. Tous les bénéfices de la vente de ce livre seront reversés à l'association humanitaire, chère à Mano, Fazasoma qui œuvre pour lutter contre le paupérisme à Madagascar.





Et bien sûr je vais terminer en musique avec un vibrant hommage de ses potes des Têtes Raides. La qualité de la vidéo n'est pas terrible mais j'ai eu la chance de le vivre en direct au Zénith de Saint-Etienne, c'était magnifique...

"Adieu mes amis ,
je m'srai bien battu encore ,
adieu mes amours ,
priez pour moi..."

Il nous manque son Shalala...

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