samedi 19 mars 2011

"La cité des amants perdus" de Nadeem Aslam

"La communauté pakistanaise d'un faubourg londonien est en émoi : Jugnu et Chanda ont disparu. Shamas, le frère de Jugnu, attend le retour des amants coupables avec angoisse. Comment ne pas penser à un crime d'honneur ? Car en " Anglistan ", on ne négocie pas à la légère les valeurs ancestrales avec celles de l'Occident... Un livre poétique, foisonnant et tragique, d'une singulière actualité."
J'avais entendu beaucoup de bien de ce livre depuis longtemps...J'ai enfin pu juger par moi-même!
J'ai mis un peu de temps pour m'habituer au rythme et à la narration. On passe des pensées de Kaukab, la mère, à celle de Shamas, le père, de leurs enfants ou d'autres pakistanais...autant de points de vue différents sur l'Islam, les traditions et la rupture avec la société occidentale.
Nadeem Aslam jour sur le conflit entre la génération des parents venus du Pakistan s'installer en Angleterre, qui sont totalement ancrés dans les traditions, coutumes et modes de vis de leur pays d'origine. Et leurs enfants nés en Angleterre qui veulent se détacher des traditions islamiques et s'émanciper pour accéder au même mode de vie que leurs camarades blancs.
Au delà de ce conflit de génération, il y a aussi le décalage entre Kaukab, fille d'imam ultra traditionnaliste et son mari, Shamas, ancien communiste qui a pris du recul par rapport à la religion.
Le thème dominant reste l'amour : les amours interdits...
Le livre est d'un réalisme suprenant, Nadeem Aslam nous plonge vraiment au milieu de leur univers plein de contradictions... Les femmes sont tuées au nom de la religion mais les hommes boivent sans complexe...
Les pensées de Kaukab nous en apprennent beaucoup sur la place des femmes dans cette société...
Extrait p 234 "Elle ne pouvait se rendre à la police pour la simple raison que, selon la loi islamique en vigueur au Pakistan, un viol ne pouvait être reconnu comme tel que si des témoins de sexe masculin confirmaient qu'il s'agissait bien d'un viol et non d'un rapport consenti; or, la fille n'avait pas de témoin et serait en conséquence déclarée coupable de relations sexuelles hors mariage, condamnée au fouet et envoyée en prison, à jamais cataloguée comme une abominable pécheresse, une femme perdue de réputation, une prostituée."
A côté de ce thème dur, Nadeem Aslam a une écriture poétique magnifique. De beaux passages de description de lieux, d'histoires sur les papillons et des réflexions profondes. En voici deux qui m'ont marquées :
"il sait que son père a réussi à visiter ses rêves, comme un être chéri perdu depuis longtemps et refoulé dans les profondeurs de la conscience éveillée viendrait, incapable de tolérer l'idée d'avoir été oublié, déposer une fleur dans votre esprit pendant que vous dormez" (p77)
"Il y a des mots pour décrire les individus privés d'un être cher, veuves, veufs, orphelins, mais aucun pour désigner celui qui a perdu son enfant : c'est un sort trop terrible pour que la langue ose même l'envisager." Et celle-ci raisonne particulièrement en moi...pour Eléa, Marie, Léa et leurs parents...
Un livre qui m'a vraiment marqué.

2 commentaires: